Qu’est-ce que raconter et apprendre à raconter ?
OBJECTIF FINAL : Se faire plaisir en racontant pour faire plaisir à ceux qui écoutent
Ce plaisir est un JEU mais un jeu sérieux comme des enfants qui jouent la sorcière, le roi despote… avec leur regard, leurs gestes, voix , présence : ils sont hors du temps totalement immergés dans leur histoire imaginaire qu’ils jouent « pour de vrai ».
Choix d’un monde magique mais qui fait écho à un monde intérieur bien réel : le conteur a un rapport d’amour avec son conte.
Plaisir implique un choix d’histoires que j’aime
Le travail de mise en bouche est une mise en cœur. On y parle du lieu le plus central de son être => PARLER VRAI
Mais c’est un plaisir qui s’apprend.
Il est nourri et porté par des techniques pour apprendre à découvrir et agrandir ses possibilités d’interprétation.
OUTILS
Passer de l’écrit à l’oral :
Analyser soigneusement ce que je veux dire : concision et précision des mots choisis
Comment je m’y prends pour donner à chaque personnage LA personnalité que J’AI CHOISIE DE LEUR DONNER
- Voix : couleur, rythme, volume, hauteur. La voix est le reflet de l’âme. Elle en est aussi le « muscle ». Travailler sa voix donne confiance, liberté et créativité. La voix porte les mots et ce qu’il y a sous les mots.
- Mots : A chacun ses mots mais toujours dans la précision et la concision
- Regards : où, quand, comment. Ne plus avoir peur du regard des autres, donc de leurs jugments
- Gestes : trouver le geste juste
- Espace : comment je le gère
- Présence : à moi-même, aux autres, au conte. Etre vrai c’est être présent, complètement, ici et maintenant.
Une présence à 3 niveaux de conscience
- Je suis ce que je raconte : présence intérieure : je vais chercher en moi_même tout ce qui est vrai : le bon, le méchant, le malin, le gai, le triste
- Je donne, je regarde, j’écoute : je suis en contact avec l’extérieur
- J’interprète une histoire : je suis mon histoire
Un JEU sérieux, un imaginaire incarné dans un CORPS fait de chair, d’émotions, de rires , de pleurs…… TOUT le travail doit partir du corps.
Le travail du conteur est un corps à corps avec lui-même, le conte et le public
Chaque atelier commence par des ex d’éveil de l’énergie, de détente de tout le corps, il continue par des ex sur les techniques/outils particulières du conteur.
J’essaie de faire en sorte que les exercices dans lesquels ils jouent soient un plaisir joyeux, ou un plaisir plus intérieur mais qui les amènent à élargir leurs possibilités d’expression , de découvrir du plaisir dans l’exigence de l’effort, et qu’ils peuvent faire quelque chose dont ils ne se savaient pas capables.
Les exercices sont l’occasion d’un aller-retour entre « j’ai peur » et « je vais y arriver ».
« Je le veux et je le ferai » à répéter lors de tous les ateliers
Dans l’acte de raconter, il s’agit de déterminer ce que je veux dire et comment je m’y prends pour donner à chaque personnage à chaque moment de l’histoire LA personnalité que J’AI choisie.
Le conteur est le maitre de son conte. « les contes n’appartiennent à personne, vous les prenez et vous leur faites un enfant » — Henri Gougaud
En ce sens le travail de gestion de sa respiration, de sa voix, de son regard, de ses gestes, de l’attitude globale de son corps, enfin de ses émotions : stress, peur du jugement des autres, amène chaque personne à devenir un observateur attentif de lui-même en évitant les jugements négatifs et ou en apprenant à les dépasser.
Le travail sur le corps n’est pas une gymnastique mais un travail sur la conscience :
Conscience de sa respiration, des tensions, coordination, Eveil de l’énergie, conscience de tout ce qui se passe dans le corps et dans la tête pendant les exercices.
Conscience, attention, concentration
MAIS pas de jugement ni sur soi ni sur les autres.
Ces exercices préparent le conteur à mettre en œuvre toutes les techniques et attitudes qu’il doit maîtriser pendant le racontage :
- la voix,
- le regard,
- la présence,
- les 3 consciences,
- l’enracinement,
- l’affirmation,
- le geste….
Ce travail ne peut donner de résultat que s’il est pratiqué régulièrement et longtemps.
Les transformations se font progressivement avec du temps , de la ténacité, l’acceptation du processus essai/erreur.
Le chemin se fait à chaque pas. Le chemin EST le sens.
In fine, chaque conteur malaxe toutes ces techniques pour en faire une pâte aux nuances subtiles, colorées par la personnalité de chacun.
« Le conte appartient à tout le monde. La parole on la prend et on lui fait un enfant » — Henri Gougaud
LE CONTEUR EST UN ARTISTE LIBRE MAIS … CONTRAINT :
Il doit maîtriser des techniques, il doit se maîtriser, en même temps il doit lâcher prise.
Tout faire pour emporter son public dans SON HISTOIRE
L’animateur et la Gestion de l’atelier
AUCUNE EXCEPTION A UNE ÉCOUTE BIENVEILLANTE
Les commentaires sont des suggestions, des propositions… pas de critique, aucune aggressivité
PRECISION : c’est le conteur qui est apprécié pas la personne : notion de distanciation, de différence entre l’artiste et la personne
Il y a enfin une stimulation dans le groupe, la dynamique de groupe est très importante dans ce genre d’apprentissage.
La consigne impérative est : pas de jugement négatif ou agressif quelques soient les évènements.
Un environnement qui permet à chacun d’évoluer dans un contexte sécurisant et de se sentir accueilli tel qu’il est.
Pas de science infuse ni de la part de l’animateur ni des autres personnes. Chaque ressenti est personnel. Il doit être pris en compte et chaque pas, valorisé
L’animateur apporte une attention précise aux difficultés particulières de chacun, essaye de trouver les moyens pour l’aider à les surmonter et par là même améliorer confiance et affirmation de soi.
Enrichir l’animation avec toutes ses expériences de vie, échecs ou succés. Les mettre au service d’une meilleure compréhension et tolérance des difficultés des participants.
Aborder le nécessaire questionnement sur soi : « pourquoi » je fais, dis, ceci ou cela .
Préciser que la réponse appartient à chacun. L’animateur ne demande pas de réponse partagée devant le groupe. L’art de conter n’a pas le même protocole qu’une thérapie même si le travail sur l’oralité fait surgir des interrogations, des émotions typiques d’un travail de développement personnel.
Apprendre à raconter est un certain niveau de développement personnel. Un chemin initiatique (comme dans un conte) où chacun apprend à triompher de l’ogre, de la sorcière en trouvant en soi les forces nécessaires.
Au bout , la jubilation d’avoir gagné sans forcément avoir tout expliqué. Cette initiation doit rester jubilatoire et elle agit à des niveaux qui restent flous, incertains ;
Pierre Péju dans la « petite fille dans la forêt des contes » écrit :
« Nous avons besoin des contes, besoin de cette part obscure en eux, ce noyau d’ombre qui se dérobera toujours à toutes les interprétations, se soustraira à toutes les symboliques ».
Je cois aussi que l’on ne peut tout expliquer au risque de tuer le pouvoir magique des forces souterraines.
Le conteur doit être dans un rapport d’amour avec le conte.
De facto, il est alors dans un rapport d’amour avec lui-même et avec le public. Il ne s’agit pas seulement de techniques mais AUSSI et surtout de raconter du centre de son être.
Etre VRAI est la clé incontournable du conteur.
« Soyez vous-mêmes, les autres c’est déjà pris » — Oscar Wilde
Et tout cela enrobé du plaisir jubilatoire de « jouer sérieux » une histoire pour le plaisir donné à soi-même et au public.
« On devrait se laisser envahir par la joyeuse obligation de jouer, de donner du plaisir et d'en prendre, innocemment, gratuitement, sans penser un instant à un quelconque bénéfice. » — Henri Gougaud, Le rire de la grenouille